Confirmation à Esperanzah 2006 : le sponsoring commercial induit la censure !
Le festival Esperanzah, qui en est à sa cinquième édition, connaît un succès croissant, grâce à sa programmation, à son cadre original et… à ses choix politiques et idéologiques. Il n'est pas fréquent qu'un festival se paie le luxe de refuser dans son enceinte la présence du plus puissant limonadier de la planète ! Ce genre de résolution éveille une sympathie grandissante. Comme on peut difficilement faire soudain table rase de tout support financier, les organisateurs ont accepté cette année le sponsoring de la Loterie Nationale, qui avait elle-même fait le premier pas vers eux. Détail important, cette dernière est récemment devenue une société anonyme de droit public, ce qui signifie qu'elle a « davantage de possibilités de se développer comme toute entreprise professionnelle » (1) Et comme n'importe quelle grande entreprise, elle contribue dorénavant au matraquage publicitaire dans l'espace public (2), estimant peut-être qu'exister depuis 72 ans ne suffit pas/plus à assurer sa pérennité.
En accord avec les organisateurs du festival, qui promeuvent la liberté d'expression, l'association Résistance à l'Agression Publicitaire (RAP) a placé sur le site, le vendredi 4 août, deux affiches de contestation, avec slogan et logo détournés (cf. pièces jointes). La logique n'était pas de s'attaquer à l'institution Loterie Nationale, mais bien, dans le cadre du combat antipublicitaire et du thème « Pauvreté » du festival, de souligner le rôle détestable de la pub dans l'idéologie dominante antisolidaire. Les campagnes « Scandaleusement riche » et « Cette fois, c'est moi » étaient les cibles tout indiquées.
La nature de sponsor du festival allait, incidemment, permettre à RAP de démontrer un autre point essentiel du combat : il n'y a pas de liberté d'expression quand il y a pub ou sponsoring. En effet, le responsable du sponsoring de la Loterie Nationale a estimé « inacceptable » leur présence et a fait pression sur les organisateurs pour leur enlèvement immédiat, les menaçant de promptement « quitter le festival » (…) en cas de refus. Une menace, à peine voilée, de procès pour détournement de logo a ensuite été proférée à l'égard de RAP. Les organisateurs arguant du principe de la liberté d'expression, le responsable de la Loterie Nationale leur a signifié, avec ses propres termes, que cette liberté-là était le cadet de ses soucis. RAP a alors suggéré de retirer les affiches pour ne pas envenimer la situation, et en estimant de toute manière avoir atteint son but : C.Q.F.D. !
Cette affaire montre, s'il fallait encore le prouver, que les annonceurs ne tolèrent pas la moindre contestation publique de leur présence, de leur image ou de leurs messages, d'où qu'elle vienne. Ils communiquent à sens unique. Ils respectent la liberté d'expression, tant qu'ils ne sont pas eux-mêmes mis en cause. Dans ce cas, ils n'hésitent pas à exiger la censure en ayant recours au chantage et à la menace. Aucun sponsoring n'est innocent, pas même celui de notre prestigieuse S.A. nationale qui - la fin justifie les moyens - utilise les pires armes du marketing agressif mais se paie une bonne conscience en rétrocédant une manne financière à des projets culturels et de développement des pays pauvres. Ainsi, elle croit rejoindre, à sa manière, le thème de l'édition 2006 du festival Esperanzah « La pauvreté, c'est nos oignons ! »… tout en claironnant sur ses affiches « Devenez scandaleusement riche » !
- cf www.loterie-nationale.be
- avec seulement deux garde-fous : le contenu de ses publicités ne doit pas provoquer de dépendance au jeu (sic) ni mettre en scène des mineurs d'âge.
Une des deux affiches « Devenez scandaleusement pauvre »
Photographie avant interview au festival
Tous les 5 détournements en basse et haute résolution à voir ou à télécharger ici