Marketing bancaire à l'école primaire

Communiqué RAP/APED

Marketing bancaire à l'école primaire

Nous ne cessons de la dénoncer, et pourtant la marchandisation de l'École poursuit son œuvre funeste. Après les distributeurs, les affiches, les « programmes de sensibilisation aux messages publicitaires » et la distribution d'échantillons de marques sous forme de packs, c'est le secteur bancaire qui se lance dans le marketing scolaire avec son jeu « Le compte est bon », destiné au troisième degré de l'enseignement fondamental.

Sur le site http://kxcreations.be/lecompteestbon, nous apprenons que ce projet a été conjointement conçu par « des spécialistes de K'X Création, des élèves, des enseignants et les consultants jeunes d'ING ». Le but est de permettre aux enfants « de se familiariser en jouant avec le monde de l'argent, le fonctionnement de la banque et des opérations financières courantes telles que l'achat, l'emprunt, l'épargne et l'investissement ». L'injonction « Tu dois apprendre à gérer ton argent ! » ressemble plus à une incitation au consumérisme financier qu'à un principe éducatif. Et enfin, tout cela sera couronné d'une visite par les élèves d'une agence bancaire ING ! Comme le fait remarquer le CRIOC dans un communiqué, « Dans le cadre réglementaire actuel, il est tentant pour une entreprise d'élaborer des outils pédagogiques en ligne, en argumentant que ceux-ci ne sont pas envoyés aux écoles mais aux enseignants. C'est détourner l'esprit du Pacte scolaire datant de 1959 : les moyens de communication d'alors étaient bien différents. »

Plusieurs études ont démontré que les enfants sont des cibles de choix pour les publicitaires, car particulièrement influençables. Faut-il encore rappeler que l'École obligatoire n'a pas pour vocation d'apprendre aux élèves à aimer l'argent (dans ce cas-ci), mais d'en faire de futurs citoyens cultivés, émancipés, à l'esprit critique aiguisé et porteurs de changements sociaux bénéfiques. Au contraire, cette initiative privée ne vise qu'à en faire des consommateurs disciplinés, parfaitement acquis aux valeurs du néolibéralisme.

Nous dénonçons également la participation d'enseignants et d'élèves à l'élaboration de ce jeu. Il y a des synergies dont on aimerait se passer !

On attend donc la réaction de la toute nouvelle commission mise en place cet automne par le gouvernement de Marie Arena et destinée à faire respecter l'article 41 du Pacte scolaire de 1959, qui interdit les activités commerciales dans les écoles. Concrètement, cette commission a pour mission de « dégager chaque année les règles qui seront diffusées aux établissements scolaires par la voie de circulaires, permettant ainsi une lecture et une application communes. Elle donnera tous les outils nécessaires aux acteurs de terrain afin d'apprécier la pertinence des sollicitations dont ils font l'objet. » (in La Libre Belgique en ligne, 13/10/2006). Elle a ici une belle occasion de se faire les dents. De son côté, le CRIOC a également porté plainte auprès de l'Inspection économique du Service Public Fédéral, pour non respect du Code du marketing bancaire à l'égard des mineurs, et auprès de la Commission pour la protection de la Vie privée, pour non respect de la réglementation.

Nous, membres de l'Appel Pour une Ecole Démocratique (APED) et du collectif Résistance à l'Agression Publicitaire (RAP) appelons instamment la commission de l'article 41 du Pacte scolaire de 1959 à prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire ce jeu dans les écoles auxquelles il est destiné. Nous appelons aussi les instituteurs et institutrices à faire preuve d'esprit critique et de civisme en refusant de l'utiliser et en le faisant savoir à ses promoteurs. Nous rappelons également notre désir de faire partie de ladite commission, ce qui fut déjà demandé en son temps auprès du cabinet de la Ministre-Présidente Marie Arena, et qui est resté lettre morte jusqu'à aujourd'hui.