Actions Cinéma

«NON À LA PUBLICITÉ AU CINÉMA, OUI AU COURT MÉTRAGE.»

Grâce à l'action de militants, le public est de plus en plus informé sur les risques liés à l'emploi de certaines sources d'énergie. Ce n'est pas le cas pour la publicité, technique entraînant deux sortes de pollution : l'une sensible - comme la marée noire des affiches dans le paysage -, l'autre insensible - l'irradiation des consciences manipulées, réduites, fermées pour ainsi dire.

Le cinéma, du moins lorsqu'il ne relève pas de l'esthétique ou de l'idéologie publicitaires, nous permet d'enrichir notre regard sur le monde. La publicité, elle, en nous faisant saliver devant un produit-héros entouré d'accessoires à forme humaine, draine nos désirs vers le tiroir-caisse. Ce dressage de nos consciences interdit le rêve, exclut la poésie. Les spots publicitaires, contrairement aux courts métrages, ne sont pas un supplément de culture, mais une agression de l'esprit. Ils n'ont pas leur place dans les salles de cinéma. Le 7ème Art peut-il, sans trahir sa vocation culturelle, recourir à une source d'énergie polluante et collaborer au conditionnement des consciences ? Même s'il était prouvé que le financement publicitaire servait plus les films et les salles qu'il n'engraissait des intermédiaires superflus, il appartiendrait au spectateur - qui n'achète pas sa place pour faire vivre les exploitants, les acteurs ou les ouvreuses - d'exiger un cinéma rendu à sa mission première: le divertissement et la culture. Par ailleurs, la pétition de Résistance à l'Agression Publicitaire, outre son rôle affiché d'aiguillon du pouvoir, permettra à chacun de s'interroger sur la place occupée par la publicité dans des secteurs plus fréquentés que le cinéma, comme la rue, la presse, la télévision. Le système doit être combattu sur plusieurs fronts.

Première action cinéma de R.A.P.-Belgique

(le 5 mars 2002 à l'« Arenberg galerie » séance de 19h30)

Cette petite salle a été choisie pour des raisons « stratégiques », afin de nous roder un peu avant de nous attaquer aux salles de grand complexes comme l'UGC ou Kinépolis.

Après un "briefing" dans un petit café nommé le "stoemelings" (ça veut dire "en vitesse" et "discrètement" en bruxellois) nous nous sommes rendus à la séance de 19h30 pour voir le dernier film de Ken Loach: "The Navigators" (très bon film).

Dès les premières images de publicité, je me suis rendu au pied de l'écran et ai donné le coup d'envoi des festivités en soufflant longuement dans une de ces fameuses trompette de carnaval en plastique. Ensuite, j'ai commencé à défiler de long en large au pas de l'oie tout en faisant le salut hitlérien à la pub, m'arrêtant quelquefois pour crier "Merci Ô grand capital de nous montrer la lumière, merci de nous montrer la voie". Applaudissements nourris dans la salle ! J'ai donc continué mon mime fasciste avec zèle, m'appliquant à lever les jambes bien haut et à tendre le bras comme un forcené. Disséminés dans le public pas moins de 16 activistes antipub -(nous étions 17, une bonne demi douzaine venant de Liège)- lançaient les commentaires les plus caustiques à propos de la société de consommation et de l'idéologie véhiculée par la pub. Deux d'entre eux (elles) distribuaient les tracts et faisaient circuler la pétition (tous les tracts ont été distribués, une soixantaine).

Tout cela dégénéra rapidement en un joyeux bordel du meilleur effet, l'excitation généralisée incitant les autres spectateurs à prendre eux aussi la parole. Après une petite dizaine de minutes le projectionniste déboula dans la salle et m'interpella: "Qu'est-ce qui se passe ici ?", "Vous allez continuer comme ça pendant le film ?", "Vous êtes un groupe ?" me demanda-t-il lançant un regard inquièt dans la salle, et essayant de repérer les fauteurs de trouble. Je le rassurai immédiatement: " Il n'y a pas de groupe, nous sommes des citoyens exaspérés par la publicité. Bien sûr que nous allons nous arrêter pendant le film !". Son sang ne fit qu'un tour et il me dit: " Ah, alors je vais stopper la pub tout de suite !". Je lui répondis: "formidable ! pouvez-vous nous passer un court métrage à la place ?".

Non, malheureusement il n'avait pas ça en magasin.

Il s'en retourna illico, et effectivement une minute plus tard la pub fût coupée, le rideau refermé et les lumières rallumées.

Le calme revenu, les commentaires s'estompèrent un peu. L'un de nous lança: "Le gérant est trop intelligent ici ! la prochaine fois nous devrons mener l'action ailleurs !" Grand éclat de rire dans la salle. Ce répit permit au public (qui n'avait plus rien d'autre à faire) de lire attentivement le tract et de signer la pétition. Une personne s'exclamant même : "mais où est-elle cette pétition ?"

Le film commença avec cinq minutes d'avance, et nous avons rappelé encore une fois à ceux et celles qui n'avaient pas pu signer la pétition qu'il serait possible de le faire après le film. A la sortie, nous nous sommes aperçus que pour la séance suivante (celle de 21h) il y avait salle comble (plus de deux cents personnes). Dommage, mais cela nous servira de leçon ! la prochaine fois nous choisirons cette séance là.

Les seules employées du cinéma avec qui nous avons pu échanger quelques propos étaient les ouvreuses, malheureusement outragées par notre action (elles avaient l'air de se sentir personnellement visées). L'une d'elle jeta rageusement notre tract à la poubelle, l'un de nous fit de même avec le journal gratuit qu'elle distribuait. Avant que ça ne dégénère nous avons essayé de parlementer un peu. Elle se contenta de nous dire: "Vous n'avez qu'à arriver pour le film si vous n'aimez pas la pub, les horaires sont clairement affichés !", "savez-vous combien coûterait le ticket si il n'y avait pas de pub ?"

Un spectateur qui arrivait pour la séance suivante nous interpella : " Ce n'est pas avec l'ouvreuse qu'il faut discuter " " vous devriez plutôt faire une pétition !". "La voilà !" lui dis-je, et il la signa immédiatement.

Nous nous rendîmes ensuite dans un bistrot pour faire le point et fêter notre première action cinéma.