Action Ours polaires

Les ours ne demandent pas de décrocher la lune, ils ne demandent pas qu'on arrête de vendre des voitures ou des voyages en avion, ils demandent simplement qu'on arrête la diffusion massive, dans l'espace public, de la "réclame" pour les modes de transport les plus polluants.

Action Ours Polaires - Mercredi 16 février 2005

TROP DE PUBLICITE POUR TROP DE VOITURES !

Ce mercredi 16 février, jour de l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto, L'association R.A.P. (Résistance à l'Agression Publicitaire) a mené plusieurs actions de sensibilisation à Bruxelles.

Déguisés en ours polaires, des membres de l'association ont manifesté l'inquiétude que suscite l'incroyable pression publicitaire en faveur des modes de déplacement les plus polluants, à savoir l'automobile et l'avion. Inquiétude renforcée également par l'utilisation abusive et mensongère d'arguments écologiques par certains annonceurs.

Alors que de nombreuses voix (notamment celle d'Hubert Reeves) s'élèvent pour souligner la responsabilité majeure des publicitaires quant à l'avenir de la vie sur la Terre, très peu de mesures sont prises par nos gouvernements pour tenter de diminuer la -mauvaise- influence qu'exercent les puissants annonceurs dans l'espace public.

Parcours des ours:

  • 8:00 h - Manif en bordure de la E411 (dans les embouteillages matinaux), devant le grand concessionnaire "Smart" (une bagnole finalement fort polluante puisque le plus "écologique" des modèle ne comporte que deux place et consomme tout de même 4.5 l de diesel au 100 km, bien réglée)( lire, par ailleurs, la plainte contre pub "smart")
  • 9:30h - Manif Boulevard général Jacques en dessous d'un panneau publicitaire 36m² ClearChannel pour petite voiture.
  • 11:00 - Visite au cabinet de Madame la Ministre Freya Van den Bossche
  • 14:00 - Manif sous un panneau publicitaire 36m² de Decaux pour une bagnole 4x4
  • 15:00 - Visite au Forum Ecolo « Kyoto 1… 2 : une chance pas une contrainte »

Les ours polaires, dumoins leurs porte-parole du moment, ont donc entammé un parcours périlleux dans les arcanes du système pour y déceler les leviers principaux à actionner pour stopper la machine infernale de la propagande… ouf.

Leurs premières recherches les ont conduit à apprendre qu'en application de l'article 29 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, un arrêté royal du 13 janvier 1995 a créé la Commission pour l'étiquetage et la publicité écologique (CEPE) au sein du Conseil de la Consommation (Ministère des affaires économiques)… ouf.

Cette Commission a élaboré un assez bon code de la publicité écologique (CPE).

Par ces dispositions, l'autorité publique voulait éviter d'une part que les consommateurs soucieux de l'environnement ne soient trompés par des actions publicitaires qui se fondent sur des arguments écologiques mensongers et voulait donner, d'autre part, aux producteurs des directives claires afin d'indiquer les limites dans lesquelles cette argumentation écologique est autorisée pour faire la publicité de leurs produits. héhé ;o)

Cette Commission a choisi de recourir à - et c'est que cela se gâte - l'autorégulation avec un rôle central dévolu au Jury d'Éthique Publicitaire (JEP) pour son contrôle. Comme prévu, cette option a fait l'objet de deux évaluations après l'application du code. La dernière évaluation date de mars 2001. Le dernier avis date de septembre 2002. (1)

Que s'est-il passé depuis ?

C'est une question que les ours ont voulu poser directement auprès de la CEPE .

On leur a répondu, par téléphone, que cette Commission existait toujours mais que ses travaux avaient été suspendus l'année passée.

Leur interlocuteur ne tenaient pas à recevoir les ours dans le cadre de cette opération "médiatique" et les a plutôt invités à aller poser leurs questions à la Ministre de tutelle, Madame Freya Van Den Bossche.

1- Les documents issus des travaux de la CEPE sont toujours disponibles sur le site du SPF économie, à l'adresse : http://mineco.fgov.be/protection_consumer/councils/consumption/commission_fr_02.htm


Les ours de RAP ont alors été poser leurs questions à Monsieur Dejemeppe, actuel directeur de la "Cellule stratégique consommation et télécommunications" au cabinet de la Ministre Freya Van Den Bossche, qui a eu l'amabilité de bien les recevoir.

Les ours ont demandé si il était possible:

  • Que soit mis en fonction un organe de contrôle (paritaire) doté de pouvoirs contraignants.
  • Que le code de la publicité écologique qui a été élaboré par la CEPE soit d'application et obligatoire.
  • Que des sanctions pénales soient prises en cas d'infraction, mais aussi des sanctions alternatives telles que leur publication dans la presse ou que la diffusion de « contre-campagne publicitaire » ou « droit de réponse » soit accordés aux parties lésées (par exemple les associations de défense de l'environnement)
  • Que les publicitaires soumettent à cet organe de contrôle leurs projets de campagne, avant leur diffusion dans l'espace public, et que ces projets soient analysés selon les principes qui prévalent en matière d'enquête publique (lorsque quelqu'un désire construire quelque chose qui peut d'une manière ou d'une autre affecter le voisinage).

Le miracle n'a bien sûr pas eu lieu. La création d'un nouvel organe de contrôle n'est pas à l'ordre du jour. Zut et reflût !

Vérifier la pub avant sa diffusion dans l'espace public semble relever de l'hérésie pure et simple… et il n'y a que des ours pour imaginer que des procédures d'une telle "lourdeur" puissent voir le jour. Flûtzut !

La Ministre fera présentement confiance à la bonne volonté affichée par les professionnels du secteur de réformer le JEP. Néanmoins la Ministre veillera à ce que la composition du nouveau Jury soit réellement paritaire. Ah!

Le problème récurrent qui consiste à juger bon nombre de plaintes alors que les campagnes sont terminées ne trouvera pas de réponse de si tôt. Rezut et flutzut !

Les ours ont néanmoins souligné que le JEP existait depuis 30 ans (trente !) et que le caractère préventif de l'autorégulation ne semblait pas fonctionner. Ce n'est pas l'avis de leur interlocuteur qui estime que la situation a bien évolué, selon lui: les cas d'abus en matière d'éthique sont devenus très minoritaires et que les publicitaires se montrent dans l'ensemble assez responsables. Flûte et rezut !

En ce qui concerne le Code de la publicité écologique, il semble que celui-ci soit toujours d'application et que nos plaintes au Ministère sont bel et bien traitées en fonction de ce code. Aah, enfin une bonne nouvelle ! Par ailleurs, Monsieur Dejemeppe s'est montré étonné que le CSA ait débouté notre plainte en ne tenant aucun compte du CPE. De plus, aucun grand annonceur (tel que Fiat) ne peut ignorer l'existence du CPE. Chic, on va rigoler alors !

Sur le fond, bien sûr, les ours n'ont pas été entendus. Ils craignent évidemment plus que tout que la réforme du JEP telle qu'elle se profile ne contribue à légitimer la propagande surconsumériste dans l'espace public, et par voie de conséquence la normalisation de comportements destructeurs. Cependant, l'existence des ours de RAP et de leurs préoccupations ont été notées une première fois en haut lieu, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.


Les ours ont aussi tenté de rencontrer le Ministre de l'Environnement, Monsieur Bruno Tobback, ainsi que la Secrétaire d'Etat au Développement durable, Madame Els Van Weert, afin de leur poser leurs lourdes questions existentielles:

A l'heure où des efforts, parfois impopulaires, doivent être faits dans le cadre des accords de Kyoto, ne serait-il pas opportun de prendre des mesures afin de limiter, autant que faire se peut, dans l'espace public, la « réclame » pour les modes de transports les plus polluants, à savoir l'automobile et l'avion ?

Cette question pourrait être aussi posée en termes de liberté d'expression et de démocratie : pourquoi serait-il définitivement normal et acceptable que seuls les plus riches puissent diffuser leur propagande écoeurante, et que les associations citoyennes, par nature peu argentées, soient dramatiquement réduites au silence ?

Enfin, lorsque des publicités pour ces modes de transport utilisent abusivement des arguments écologiques, en regard notamment du CPE, ne serait-il pas opportun et utile de prendre des sanctions pénales et alternatives comme la diffusion de contre-campagne publicitaire et la communication à la presse en cas d'infraction ?

Et, Ce type de mesure ne serait-elle pas utile pour restaurer un peu l'équilibre entre ceux qui peuvent « tout » se permettre parce qu'ils ont de gros moyens financiers et ceux qui, comme les associations, ne peuvent communiquer (et répondre au même niveau que les publicitaires) qu'en grevant une énorme part de leur budget de fonctionnement ?

Malheureusement, les délais trop courts entre le moment où les ours sont entrés en communication avec les cabinets et le jour prévu pour leur action ont empêché les rencontres. Cependant on leur a assuré que la possibilité leur serait offerte prochainement.


Documentaire:

Réforme du Jury d'éthique publicitaire (JEP) ou clônage de la bête ?

Créé par les publicitaires eux-mêmes, cet organe d'autorégulation travaille depuis une bonne trentaine d'années (depuis 1974). Malgré cette longue période de rodage pendant laquelle le Jury a traité un nombre considérable de plaintes, force est de constater que les pubards, dont les impératifs du métier sont de « frapper » toujours plus, toujours plus fort afin de laisser des marques indélébiles dans l'être de leurs cibles, ne peuvent s'autoréguler, ni donner au mot « éthique » le même sens que la plupart des citoyens lui donne.

Par nature, la publicité est anti-éthique, car il lui faut surprendre sans cesse, susciter l'émotion, provoquer, voire choquer une population valorisée seulement comme cible potentielle et qui, la plupart du temps, préférerait être laissée en paix… et donc ne pas avoir à se défendre par rapport à toutes ces sollicitations parfois violentes.

On peut comprendre le souci des professionnels du secteur de vouloir s'autoréguler eux-même afin d'éviter que les pouvoirs publics interviennent. Comme les pubards sont des experts en manipulation, ça dure depuis trente ans.

En fait, c'est donc un peu comme si on laissait aux dealers de drogue le soin de réguler le marché de la drogue.

Fin du documentaire.


Stratégies:

Sachant que les ours de RAP devront se battre longtemps pour que l'idée qu'il y va de l'intérêt de tous, et particulièrement de celui des générations futures, que la publicité commerciale disparaisse de l'espace public, notre champ d'action actuel se réduit malheureusement à pousser à un contrôle renforcé du secteur publicitaire. Tout ce qui peut renforcer la prise de conscience que la pub ne pourra jamais être éthique (tant qu'elle ne réintègre pas l'espace commercial et son rôle initial d'information aux consommateurs qui la demandent) peut sembler bon à prendre. Dotés de réels pouvoirs de plus en plus contraignants, un organe de contrôle peut tuer l'essence même de la pub telle qu'elle se pratique aujourd'hui.

C'est bien ce que les ours de RAP veulent.

Les pubards craignent comme la peste la fin de leur précieuse autorégulation, car ils savent pertinemment bien que cela signerait l'arrêt de mort de leur beau métier. Ils veulent pouvoir continuer délibérément à violer notre inconscient, et s'insinuer en nous pour y graver leurs dangereuses inepties.

Certains parmi les ours craignent de contribuer malgré tout à légitimer le système en poussant à sa régulation. C'est effectivement un risque. Nous le prenons aujourd'hui sachant qu'une majorité des ours estiment qu'il faut, avant de s'engager dans des actions plus radicales (le temps presse), prouver -si ça devait être le cas - que les démarches légales ne conduisent à rien.


Carnet de route:

Une action comme celle-ci représente, vous vous en doutez, un investissement important en temps, en fonds et en énérgie. Malgré un communiqué de presse suivi de nombreux contacts directs avec les journalistes radio, télé et presse, le bilan médiatique est assez pauvre: un bon article dans "Le Soir" et un interview à la RTBf radio. Aucune télé n'a daigné envoyer une caméra à un de nos quatre rendez-vous de la journée. Un seul journal a accepté de publier l'info.

On ne critique pas le système publicitaire, et encore moins la sacro-sainte bagnole, sans en être véritablement sanctionné.


Photographies de l'action